BÉTON

Il y a cette part de destruction.
Un agencement qui passe par le chaos.
Il y a ce besoin impérieux de supprimer les parois, d’alléger les volumes et surtout de les rendre mobiles, aménageables et ré-aménageables, avec des fonctions changeantes.
Régulièrement on se heurte à une paroi porteuse, y compris dans des immeubles très récents où les voiles de béton inscrivent les pièces dans une fixité à laquelle on ne peut se résoudre.

Il y a eu ce RDV pendant le découpage d’un de ces voiles, une lumière matinale et oblique qui en arasant ce mur de béton et son ouverture a transformé le chantier en une scène théâtrale, scénographique, étrange. À cette sensation, fugitive, s’est ajouté un sentiment plus tenace, comme un souvenir, une évocation qui n’était plus celle du théâtre mais celle d’une œuvre d’art.
L’image des « maisons d’art » d’Anselm Kiefer au grand-palais et surtout celle des 7 Palais Célestes à la fondation Pirelli-hangarbicocca à Milan se sont imposées.
Plus particulièrement par l’ouverture d’un bloc en une porte étroite et haute, semblable à celles des tours. La résonance s’est en quelque sorte retournée comme un écho.
Le béton, dont Kiefer dit qu’il a découvert sa « spiritualité » lors d’un séjour au couvent dominicain de la Tourette à Éveux (construit par le Corbusier à la fin des années 50), incarne tout à la fois la masse et la solidité minérale mais il contient aussi sa fragilité, sa ruine.
Et c’est ce qu’évoque toute l’œuvre d’Anselm Kiefer.
Elle est nôtre.