Qu’est-ce qui en dehors des « surfaces-coûts-quartiers » emporte la décision d’acheter un appartement plutôt qu’un autre ? Beaucoup de lieux se valent (comme pour le chat de Kipling), faire un choix est souvent difficile, surtout lorsqu’on est plusieurs à décider et tant les enjeux sur notre vie future sont importants…
Mais bien souvent, il y a le « coup de cœur », comme une injonction, une évidence, un repère même, qui emporte la décision. Dans cet immeuble des années 70, construit tout près des HBM des années 30, c’est une cheminée tout à fait inattendue dans ce type de construction (et sans doute la seule de l’immeuble) qui a séduit le Maître d’Ouvrage.
La découvrir ainsi, au hasard des différentes visites d’appartements, exécutée dans le style de l’artiste Valentine Schlegel par son assistant Frédéric Sichel-Dulong (il se trouve que le Maître d’Ouvrage apprécie particulièrement l’œuvre de Valentine Schlegel), a décidé la famille à s’installer là.
L’intervention sur ce grand appartement de facture classique (en réalité deux appartements qui avaient été réunis) a été relativement simple.
Réduire les surfaces de couloirs, relier les pièces entre elles et laisser librement passer la lumière naturelle (celle du matin) d’une part et favoriser les lieux de réunion familiale d’autre part.
Suppression des cloisons et portes jugées inutiles (elles étaient nombreuses avec des pièces de surfaces réduites). La mise en valeur de la cheminée était importante avec sa remise en état, mais aussi en remplaçant un bloc porte un peu triste par une baie libre, prolongement naturel des courbes de la cheminée et en supprimant des placards pour redonner tout son volume au salon.
Quelques détails
Les plafonds sont relativement bas avec un certain nombre de poutres et de coffrages qui compliquent la lecture des volumes. L’ensemble de l’appartement est volontairement monochrome, d’un blanc pur proche du plâtre, pour une lecture simple et une réflexion maximale de la lumière naturelle (mono exposition). Les sols sont adoucis par une moquette greige dans les parties « nuit » et un béton ciré d’un ton corde dans les pièces de jour. Seule touche de couleur, le mobilier en Sapelli, d’un brun-rouge qui s’illumine au soleil. (NB: c’est un bois exotique, à pousse rapide, issu d’une sylviculture raisonnée). Utilisé en placage dans le cas présent.
En cuisine, il forme un lambris mural pour les placards et colonnes techniques et il se retrouve sur deux meubles « enfilades », en salon et en espace repas. Un clin d’œil aux années 60-70 qui plaisent particulièrement au Maître d’Ouvrage…
En savoir plus
Les photos « avant » pour situer la découverte. Et une photo de 1976 © Suzanne Fournier-Schlegel (sœur de Valentine), montrant Frédéric Sichel-Dulong, Valentine Schlegel et Marie Noëlle Verdier en cours de réalisation d’une cheminée à La Varenne-Saint-Hilaire.
Valentine Schlegel est née à Sète en 1925 et est morte en 2021. Artiste aux multiples facettes, elle a évolué dans plusieurs domaines : costumière, directrice artistique pour des films, céramiste, sculptrice et enseignante. Très attachée à sa ville natale, elle restera toute sa vie marquée par ses origines provençales et méditerranéennes. Son inspiration vient de la mer, du sable, des voiles et du vent. Un goût puissant qu’elle partage avec son amie Agnès Varda.
« Je n’ai pas essayé de faire une œuvre. Il fallait vivre et survivre avec ce que j’avais – un corps solide. Une œuvre liée au corps, l’utilitaire. J’aime le quotidien exceptionnel. Je pars du geste. » Valentine Schlegel.
Frédéric Sichel-Dulong fut son élève, enfant, aux Arts-Décoratifs, avant de devenir son assistant. Jusqu’en 2002, ils vont créer et construire une centaine de cheminées in situ, entre autres pour l’actrice Jeanne Moreau. Ces cheminées qui sont comme une synthèse de l’œuvre de Valentine Schlegel ne sont pas sans faire penser à l’architecture de Jacques Couëlle, architecte autodidacte en opposition avec le mouvement moderne de l’époque qui prône l’angle droit. Ses maisons sculptures aux formes organiques inspireront les célèbres maisons bulles d’Antti Lovag, son élève.
Tout un monde et toute une époque, qui sont toujours très inspirants…